[Cinéma] Rogue One : A Star Wars story

Dans le replis d’un étroit refuge, un lumignon éclaire le visage angoissé d’une petite fille. Une frêle lueur que le temps semble avoir flétrie. Devenue femme, Jyn maquille désormais d’un nom d’emprunt sa filiation avec son père, ingénieur au service de l’Empire que l’on dit sur le point de donner naissance à une arme capable de faire tomber la nuit sur n’importe quelle planète de la galaxie. Mais la jeune rebelle n’est pas la seule à frayer avec l’obscurité, la rébellion ayant elle aussi perdue de son éclat à force de se corrompre en méthodes douteuses sur le plan moral. Pourtant, à la croisée de leurs chemins, va naître un nouvel espoir.

Sur ce châssis dramatique, Gareth Edwards, avec ce même souci d’échelle qui préoccupait ses précédentes réalisations (Monsters, Godzilla), tend un récit où les alliances étatiques ne prédominent pas à la réalisation d’un projet commun. Sur cette passerelle dressée entre les deux trilogies, circulent des passeurs de témoin servant une cause qui dépasse leurs individualités, par ailleurs introduites lors d’une première demie heure pour le moins laborieuse. Mais progressivement, l’émotion et le rythme gagnent les rangs de Rogue One, dont la logique narrative va trouver son achèvement tragique dans un esprit de sacrifice que vient célébrer un éblouissant baroud d’honneur final.

À l’inverse des épisodes antérieurs qui s’attachaient à dépeindre une forme d’éternité (notamment par la réinsertion des personnages et la distension du récit), Rogue One tend à embrasser les destins évanescents de celles et ceux luttant sur le champ d’honneur. Gareth Edwards braconne d’ailleurs sur la bordure extérieure de la saga pour constituer l’esthétique de son spin-off. Ainsi, le vent du film de samouraï murmure parmi les hautes herbes couvrant les plaines de Lah’mu, tandis que l’assaut sur Scarif imite le souffle des grandes batailles du Pacifique. En outre, le studio s’adjoint pour l’occasion les services du maestro Michael Giacchino afin d’honorer cette voie de la résistance d’une superbe Medal Of Honor.

Néanmoins, impossible d’échapper à la force d’attraction de la mythologie originelle. Giacchino ne peut ainsi se soustraire totalement aux couleurs et thèmes enfantées par John Williams, tout comme Edwards ne peut écarter de son jeu certaines pièces maîtresses composant l’historique échiquier impérial, la présence charnière d’un Peter Cushing de synthèse confirmant autant le grade de ce spin-off au sein de la saga que le caractère ankylosé de ce type d’illusion déjà sujette à controverse¹. Néanmoins, cette ingérence du numérique dans la production, allant ici jusqu’à falsifier la nécrologie des acteurs en altérant la ligne de l’Histoire, se trouve finalement n’être que la suite logique des récentes relectures dont la trilogie originale a fait l’objet sous le règne de Georges Lucas.

¹ lire pour cela le post-scriptum clôturant l’excellente chronique écrite par Strum.

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18 commentaires

  1. Samouraï ou mercenaires, les kamikazes de ce Rogue One ne sont sans doute pas assez salopards pour me convaincre. Il est vrai que sous ta plume, leur geste se pare d’un héroïsme dont ils font montre assurément lors des grandioses batailles entre ciel et terre.
    Je me permets de m’associer à tes recommandations concernant la lecture nécrologique de cet épisode par l’érudit Strum.

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  2. J’ai pour ma part beaucoup apprécié ce one-shot qui rappelle la composante « Wars » de Star Wars. Habile dans ses utilisations des éléments du Mythe, le film d’Edwards fera partie, je pense, des meilleurs opus de la saga.
    Pour ce qui est de l’utilisation d’acteurs de synthèse, ce film ouvre le débat, quoiqu’un peu tard. Avec les progrès galopants de la technologie, on pouvait se douter qu’un jour, il serait possible de se passer des acteurs (revoir « Simone » d’Andrew Niccol, à ce sujet). Voilà, on y est (presque). Est-ce un bien ? Un mal ? J’avoue ne pas savoir.
    Très belle chronique, en tout cas. Merci.

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    • Merci pour le compliment 🙂
      J’avais oublié le film de Niccol, qui abordait déjà, en effet, la question de la performance de synthèse.
      Ceci étant, la problématique qui agite ce Rogue One n’est pas la même car il est question là de faire revenir d’outre tombe un acteur mort depuis des lustres. Il est moins ici question de se passer des acteurs (les résultats récents en la matière prouve encore le contraire) que d’en ré-écrire la filmographie, l’histoire et la performance.

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  3. Merci pour le lien Miami. Si je ne suis pas convaincu par la mise en scène du film, je reconnais qu’il contient une ou deux scènes plutôt émouvantes d’un point de vue dramaturgique comme tu le notes.

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    • Ce qui m’a avant tout séduit dans la mise en scène de Edwards, c’est cette synergie entre le point de vue « à hauteur d’Homme » adopté par le récit et le cadrage donnant lieu à des jeux d’échelles très intéressants sur le plan graphique (les immenses croiseurs tôt engloutis par la non moins immense Étoile Noire). Une écriture qui m’a rappelé son Godzilla.

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  4. Je dois dire après mûre réflexion, sans être un fan incontesté de Star Wars, que ce « Rogue One » avait beaucoup de personnalité et un dernier tiers vraiment engageant.
    Par rapport à Giacchino, le considérant comme le fils caché de Williams et Schifrin, je ne trouve pas ses emprunts willamesques dérangeants, cela participe à l’homogénéité sonore de la saga. Je me demande encore ce qu’aurait donné le score de Desplat pour une ambiance pareille…

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    • Je suis aussi fan de l’utilisation parcimonieuse dont Michael Giacchino a fait des thèmes originaux.
      En ce qui concerne Desplat, on ne connaitra malheureusement jamais l’orientation musicale qu’il comptait suivre sur ce spin-off puisqu’il n’avait apparemment pas même écrit une seule ligne de note lorsqu’il fut limogé par Disney.

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  5. Une préquelle bien plus efficace que n’importe quel épisode de prélogie et surtout bien mieux réalisé (n’ayons pas peur de le dire, la prélogie pue le fond vert sur quasiment tous ses plans). Il n’en reste pas moins que ce n’est pas un des meilleurs opus, les quatre derniers opus chronologiquement étant bien meilleur et de loin. Reste un film agréable, qui met un peu trop de temps à démarrer mais qui se révèle finalement bien géré dans le reste de son temps. Une suicide squad digne de ce nom.

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  6. Je ne sais pas encore si j’irai le voir au cinéma (ce qui peut paraître très con vu que ce sont des films faits pour le cinéma) – je n’avais pas vu au cinoche l’épisode VII – j’espère juste ne pas être déçue !

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  7. Je dois faire preuve d’hérésie car Peter Cushing mort et ressuscité m’a convaincu (mais ce que je laisse deviner ailleurs, j’ai comme une attirance malsaine pour les morts… au cinéma !) …

    Pour ce qui est du jeu d’échelle sur lequel Gareth Edwards s’applique et montre son savoir-faire, l’énorme côtoyant le tout petit, un parallèle me vient à l’esprit : Edwards réussit tout autant la très grande échelle, l’intime et le récit de la résistance rebelle, que la toute petite échelle, l’Empire de plus en plus puissant et la parfaite intégration de ce segment dans la saga. Bref, épisode des plus convaincants !

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    • Tout à fait, il fait cohabiter dans son récit comme dans son cadre l’infiniment grand et l’infiniment… humain. Une belle prouesse pour un jeune réalisateur catapulté, après son inégal (mais néanmoins intéressant) Godzilla, sur une énorme production commandée par un non moins énorme studio.

      Concernant Peter Cushing, j’ai eu beaucoup de mal à ne pas me rappeler qu’il s’agissait d’un clone de synthèse. Les expressions du visage m’étaient trop peu naturelles pour m’avoir convaincu. Une critique valable pour les autres productions ayant fait l’usage de cette technique (j’ai eu le même sentiment face à la cure de jouvence administrée à Michael Douglas au début de Ant-Man).

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