[Cinéma] Dernier train pour Busan

En mai dernier, la Corée du Sud prenait le Dernier train pour Busan, direction les nuits cannoises. À la faveur du public et de la presse, il obtint son ticket pour devenir la nouvelle locomotive du cinéma coréen à l’international, démontrant par la même sa capacité à produire des films aussi spectaculaires – et manichéens – que les États-Unis.

Durant plus d’1 heure 50, ce blockbuster horrifique circule sur une trame simpliste (une horde de zombie prenant d’assaut un train – soit la transposition au format long de la scène de l’avion de World War Z) et dépourvue de singularités. Tous les clichés et stéréotypes sont ainsi montés à son bord, du courtier individualiste qui se découvre une âme altruiste au représentant de la sphère patronale cruel et inhumain ; toutes ces individualités mises bout à bout constituant un paysage social semblable à tous ceux qui ont essaimé le genre par le passé. Une banalité d’autant plus criante que la critique politique de rigueur est ici réduite à la portion congrue, se résumant à la commune illustration de l’appauvrissement des rapports humains par la société des écrans et des flux capitalistiques. En conséquence, le zombie ne représente guère autre chose que la lie de la société contemporaine comme il a déjà pu l’incarner dans d’autres productions du genre.

Finalement, la réussite de Dernier train pour Busan se résume à son efficacité. Alors que cette unité de lieu autour duquel s’articule le long métrage aurait pu le mener rapidement vers la voie de garage, Yeon Sang-ho, qui s’est auparavant illustré en qualité de réalisateur dans l’animation, parvient à maintenir un rythme de croisière en exploitant l’ensemble des possibilités offertes par l’espace dans lequel le récit élit domicile. Mais la figure du train est loin d’apparaître accessoire. Elle acte en effet un exode de la capitale, vu comme un vivier dégénérescent et malade. Dès les premières minutes, la fille du héros, déçue par cette figure paternelle privilégiant sa réussite professionnelle au bonheur familial, aspire à ce voyage vers Busan pour retrouver la chaleur maternelle qui lui fait tant défaut à Séoul, quitte à laisser son père sur le quai. Imprimant ce mouvement liminaire, la fillette devient le point de vue par lequel sera découvert la catastrophe, position qui motive le réalisateur, Yeon Sang-ho, à régulièrement ancrer son objectif sur ce visage poupon et d’en faire le vecteur de tension lors des nombreuses scènes de panique.

Sans s’écarter du train-train dans lequel se statufie le film de zombie, Dernier train pour Busan parvient donc à tirer son épingle du jeu par la maitrise dont fait montre son réalisateur.

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12 commentaires

  1. Un film de zombies qui va sur le même terrain que les ricains (qui évidemment veulent en faire un remake pour montrer qui est le patron) en mieux. Il n’y a qu’à voir les déplacements des zombies déjà exposé dans Seoul Station similaires à ceux des zombies dans World War Z, bien mieux réalisés et convaincants. Quand au scénario, il est un peu balisé mais réussit à montrer une situation sous tension où l’Homme confirme qu’il est un loup pour lui-même. Je te conseille vivement de voir Seoul Station qui réussit à être encore plus glauque et dégueulasse.

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  2. S’il faut voir des défauts dans le film, ce n’est pas dans les stéréotypes ou les archétypes ou les clichés que j’irai les chercher (après tout, ces personnages ne sont pas bien différents, ni moins épais ni moins travaillés, que ceux qui montaient dans la diligence de La chevauchée fantastique de Ford). Ce serait davantage dans la sentimentalité niaise et appuyée de plusieurs scènes (habituel dans un certain cinéma asiatique). Mais , je reste d’accord avec toi sur l’efficacité. On monte dans le train et on maintient la vitesse jusqu’au bout !

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    • Pas faux, cette effusion de sentiments, bien que de mon point de vue moins perturbante que ces archétypes tractés par le long métrage de Sang-ho. Par ailleurs, ta comparaison ne plaide pas en sa faveur – peu de différences avec un film américain datant de presque 80 ans démontre bien que le réalisateur ne souhaitait pas dire grand chose de son pays. Dommage.

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  3. Décidément, la Corée a la côte au Bazar en ce moment ! Je n’ai pas encore pris mon ticket mais il me tarde. L’efficacité a en effet matière à transcender les stéréotypes, le zombie étant par ailleurs une des plus formidables allégories de la condition humaine. Sans doute Yeon n’est pas Bong Joo-ho, mais il semble que son passif animé plaide en sa faveur.

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  4. J’ai eu un vrai coup de coeur pour ce film. Je l’ai vécu ! Beau, puissant, efficace et trèèès émouvant en ce qui me concerne. Voilà la preuve d’un film bien mis en scène (effectivement l’utilisation du train, que ce soit en terme d’espace ou de métaphore, est pertinente), divertissant, intelligent, proposant une réelle réflexion sociale. Les personnages ont beau être des stéréotypes du rejet de la société coréenne, on s’attache vraiment à eux.

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  5. Simplement, pour le defendre sur la question du fond, j’ai donné quelques arguments sur mon site. Pas toujours très clair c’est sûr, mais du tout creux non plus !

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  6. Content que certains de mes arguments aient fait mouche ! Mais je le répète aussi, les visées politiques ne sont parfaitement claires. Tu me diras, cela permet d’enrichir nos interprétations.

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